Autant le dire tout de suite, personne ne sait gérer complètement ses émotions.
Que ce soit l’enthousiasme ou la peur, les émotions colorent notre vie, nos pensées, nos représentations. Elles se manifestent parfois à travers le corps. En cela, elles sont les messagères de l’interprétation, parfois irrationnelle d’une situation : danger, bien-être, sécurité…
Amies ou ennemies ? Ces émotions qui paralysent, empêchent d’agir, donnent l’impression de ne pas donner le meilleur de soi-même, de manquer des opportunités, de ne pas être apprécié à sa juste valeur…
De mauvais souvenirs
Qui n’a jamais regretté une parole prononcée hâtivement dans un accès de colère, par réflexe ?
Vous avez certainement en mémoire des moments de votre vie où vous avez perçu tout en en noir, où tout semble contre vous ? Problèmes professionnels (avec ses collègues, ses clients, sa hiérarchie, ses fournisseurs), familiaux ou personnels (amis qui donnent l’impression de nous juger, disputes conjugales… ), personne n’est à l’abris.
Les catastrophes semblent s’enchaîner. Tout arrive en même temps. Les choses apparaissent liées. Serait-ce de notre faute ?
Ne pas se sentir à la hauteur
Claudia vient de recevoir une promotion, mais elle hésite. Elle maîtrise sept langues qu’elle a apprises seule, par la pratique, parce que selon elle, elles se ressemblent tellement que c’est très facile. Et pourtant, Claudia renonce à ce poste d’assistante de direction. Pourquoi ? Elle doute d’être irréprochable à l’écrit en Allemand. Imaginer être prise en défaut, sur quelque chose qu’elle est censée savoir est juste insupportable… Alors, elle préfère rester à son poste actuel, à l’accueil.
A l’inverse, après 40 ans de carrière, l’acteur François Berléand déclare toujours avoir un trac tellement fort, qu’il ne peut rien manger avant de monter sur scène. Pourtant, pour rien au monde, il ne changerait de métier.
Le succès, les applaudissements du public, l’enthousiasme qu’on lui transmet en seraient-ils la cause ?
Les émotions qui nous donnent des ailes
Après avoir managé des centaines de personnes pendant des dizaines d’années, à la tête d’une franchise de 35 magasins, Jean-Philippe doit remettre ce soir le prix de la meilleure jeune entreprise de l’année. Le cocktail se passe bien. Plusieurs centaines de personnes se sont réunies. Parmi eux, les acteurs les plus importants de la vie économique et politique de la région. C’est l’heure de la remise des prix, et Jean-Philippe doit introduire la cérémonie et les premiers lauréats.
On lui a donné les noms. Mais… à l’heure H, avec les quelques coupes de Champagne et la joie de retrouver des partenaires, parfois amis, Jean-Philippe n’a pas préparé. Pas grave, il connaît tout ça par coeur. Quand soudain, il se rend compte qu’il ne se souvient pas des noms qu’il doit appeler. Il meuble, mais hésite. Il ne peut pas avouer ce qui se passe. Ce n’est pas conforme à son image. Rien ne transparaît. Soudain il se tourne vers l’écran derrière lui. Sauvé ! Les noms des nominés sont affichés.
Pour tout le public, Jean-Philippe est toujours à son top. C’est ce qu’il renvoie : joyeux, dynamique. Et pourtant, tout aurait pu basculer vers un gros malaise.
et des super pouvoir.
Jean-Philippe s’est senti heureux, en sécurité, reconnu parmi ses amis. Même s’il a été en situation à risque, il a su retomber sur ses pieds en étant attentif à son environnement.
En quelque sorte, le public, ce public qui peut condamner ou détruire, l’a soutenu.
Mais qui est à l’origine de la situation ? Le public ou le comportement de Jean-Philippe ?
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Une émotion est le fruit d’une histoire personnelle. Elle forme une représentation d’un passé que l’on réactive. Si l’histoire s’est bien passée et est associée à des moments “heureux”, alors, le rappel contribuera à la motivation. Pas d’alerte à avoir, donc notre “cerveau” laisse en pilote automatique nos capacités cognitives, et reste ouvert à toutes les perceptions extérieures qu’il pourra prendre en compte et agir en conséquence.
A l’inverse, si l’histoire qui se déroule est proche d’une situation antérieure qui ne s’est pas bien passée, alors, tout notre être, corps (sueur, tremblement, voix qui se noue, toux, douleur au ventre, respiration hachée), conscience (difficulté à se concentrer, vertiges, “esprit qui se vide”, peur, angoisse, colère, culpabilité, honte, frustration, mépris, jalousie), semble nous alerter. Attention, danger !
Sans doute, ces réflexes étaient des mécanismes de défense qui se sont construits pendant les milliers d’années d’évolutions, quand l’homme avait peu de moyens pour comprendre la causalité des choses. Ils devaient signifier : “Sauve toi !”, ou “Préserve-toi “ !
La réaction à la volonté de préservation se réalise soit par le déni (considérer que le problème ou la situation n’existe pas, et donc qu’il n’y a pas lieu à y faire face), soit dans la destruction (annihiler l’origine du problème, comme prendre le dessus par la colère).
Par exemple, prendre la parole en public.
Si la première fois ne s’est pas bien passée, que l’effet attendu ne s’est pas produit. Ou pire, que l’on a provoqué sourires, malaises, alors que l’on avait fourni beaucoup d’effort pour cette prise de parole, alors les prochains discours, présentations, ou même raconter une blague devant de nombreux amis seront difficiles à gérer. Bien plus que le trac qui est tout à fait naturel et qui peut-être stimulant, voire addictif.
L’émotion provoque une distorsion de la réalité.
Que ce soit une émotion positive ou une émotion négative, on voit bien qu’il s’agit d’un problème de perception. C’est un problème d’interprétation de la situation ou de représentation qui se construit d’après ce qui nous est arrivé. (voir la notion de référentiel dans l’article ; Le monde n’est rien de plus que ce que l’on pense qu’il est… une représentation).
Et c’est une très bonne nouvelle ! Car si l’émotion négative fragilise, l’émotion positive est un véritable booster ! Elle permet de convertir n’importe quelle situation, banale, en opportunité.
Et, en fait, c’est le sujet même de ce blog.
Lorsque la sensation de bonheur et de liberté transparaît, elle rejaillit sur les autres..
Nous sommes plus disponibles à ceux qui nous entourent et à ce qui nous arrive. Et par cette disponibilité, cette énergie, nous nous ouvrons. C’est un peu la fameuse expression de l’Alchimiste de Paulo Coehlo “Vivre sa légende personnelle”. Quand on vit sa “légende personnelle”, on a l’impression que tout l’univers nous aide à sa réalisation.
Comment maîtriser ses émotions
Cultiver les émotions positives
Quand on a quelque chose à faire, il est toujours plus facile de commencer par ce qui nous procure joie, plaisir. On a moins d’effort à fournir pour se mettre en action. Les motivations sont évidentes.
Lorsque nous nous trouvons bloqués dans une situation qui nous fait peur ou nous fait honte, dans lequel on se sent trahi, essayons de voir, dans ce déluge de noirceur, la petite lueur qui apporterait quelque chose de positif.
Par exemple, vous êtes face à 100 personnes. Personne ne connaît vraiment grand chose au projet que vous devez présenter. Cela vous rend encore plus mal à l’aise. Cependant, un élément va avoir un impact positif sur tout le monde. Focalisez-vous sur le moment où vous abordez ce point. Ce moment où vous pourrez voir un peu de la gratitude, et peut-être de la bienveillance dans votre auditoire.
Dans n’importe quelle situation, même dans la pire, il y a un élément sur lequel on peut raccrocher une émotion positive parmi :
- l’inspiration,
- l’amour,
- l’amusement, l’humour
- l’admiration,
- l’espoir,
- la joie,
- la gratitude,
- la curiosité,
- la sérénité,
- la fierté.
Cette perspective est un ancrage sur lequel on peut porter son attention afin d’oublier ses peurs et ses angoisses.
Travailler sur ses émotions négatives
Lorsque les émotions négatives montent, ou nous habitent, le premier réflexe consiste à les refouler. Faire comme si elles n’existaient pas.
C’est exactement l’erreur qui provoque ce que l’on redoute : le blocage, l’inaptitude à faire face, l’échec. Il y a une forme de prophétie auto-réalisatrice. Car comme on est bloqué, on ne peut rien faire pour éviter ce que l’on craint.
Que faire de ces émotions ?
Comme nous l’avons, vu, les émotions créent un décalage entre la réalité et la perception que l’on a de cette réalité. Et au delà de ce décalage, c’est un cercle vicieux qui se crée.
Le fait que l’on se sente incapable nous rend triste, frustré, aigri. Cette sensation est un poids qui nous empêche de faire un point rationnel sur la situation, en prenant en compte tous les facteurs. Ou encore, prendre des décisions, agir.
Certes, on ne peut pas s’améliorer, changer, ou, par exemple, apprendre une langue, du jour au lendemain. Mais on peut prendre la décision d’agir, de définir des étapes, d’avoir la perspective de progresser, pour casser ce cercle vicieux.
Voyons concrètement comment ne pas laisser de prise aux émotions négatives.
Bien se préparer
Si on connaît l’échéance d’une situation, ou d’un événement, cela nous donne un gros avantage : on a le temps de se préparer !
En quoi est-ce un avantage ? Reprenons le cas d’une présentation. Si on a peur de ne pas trouver ses mots, de se tromper dans le déroulé des arguments. Voire si l’on doute de son contenu. Il n’y pas 36 solutions. Anticiper, se focaliser sur ces doutes et trouver des solutions pour les combler.
- Des craintes quand à son élocution : apprendre son texte par coeur.
- Des doutes sur sa mémoire : préparer des notes avec les mots clés, ou les enchaînements.
- Et pourquoi pas demander un prompteur, il y a des solutions qui sont peu coûteuses !
- Des doutes sur le temps de sa prise de parole, ou sur son contenu : le tester sur quelqu’un qui n’y connait rien.
- Bref, plus on prépare, plus on gagne en assurance et en confiance en soi.
Et cela est vrai pour n’importe quelle situation. L’idée n’est pas d’imaginer toute l’histoire qui va nous arriver. En effet, à la moindre déviation du scénario, on se sentira encore plus perdu, ce qui accentuera la peur, la détresse et les manifestations physiques de blocage.
Mais il s’agit plutôt de relever nos points faibles et de trouver une parade.
Par exemple, lors d’une réunion d’équipe, si l’on est régulièrement pris à parti sur un même sujet, préparer une petite phrase qui met en dérision la situation.
Apprendre à gérer les émotions que l’on ne peut anticiper : la méditation
Parmi les nombreux bénéfices prouvés scientifiquement, la méditation permet de reconnaître ses émotions et leur nature afin de pouvoir s’en détacher, de les observer sans jugement. Il s’agit de les regarder comme si elle ne faisait plus partie de nous. C’est un exercice long mais extrêmement efficace. Il existe de nombreux programmes sur internet, en podcast, ou des applications. L’ancrage sur la respiration, le balayage corporel permettent de se refixer dans le présent duquel les états d’angoisse, de colère par exemple, nous éloignent.
Rechercher l’origine de ses émotions, les déconstruire.
Dans le prolongement de la méditation, l’action de repenser à des moments pénibles permet de se détacher, petit à petit des émotions qu’elles génèrent tout au long de notre vie. C’est bien sûr le principe de la psychanalyse. Mais sans aller dans un processus d’analyse, repenser à un moment dans lequel on a ressenti une émotion forte peut être un excellent exercice pour se détacher de qui nous a effrayé.
Dans mon cas, j’ai ressenti une sensation d’étouffement et d’enfermement effroyable lors d’une plongée sous-marine. Cette sensation revenait sans cesse à chacune des 2 plongées que j’ai faites par la suite, ce qui les interrompait. Jusqu’à ce que j’analyse la sensation, me concentre sur le ressenti, et aussi sur le plaisir que j’éprouvais à voler dans l’eau et à être le spectateur du monde qui se révélait devant moi.
A force d’exercice de respiration, de tentatives en me focalisant sur le spectacle, ma respiration et non pas sur ma sensation d’étouffement, je réussis à reprendre tout le plaisir de la plongée. (Voir expérience sur makemedream.com)
Concrètement, si vous souhaitez tester cette méthode, voici les étapes à suivre :
Prendre quelques minutes pour repenser à une émotion négative :
- Ecrire le ressenti et les sensations physiques
- Noter la pensée qui a généré ce ressenti
- Noter le besoin qui a été rempli ou pas lorsque la situation s’est produite
- Décrire la peur ou la pensée limitante, le blocage qui s’est produit… et investiguer sur ce qu’il s’est passé en faisait défiler ce moment dans vos pensées.
- Qu’auriez-vous fait avec le recul ? noter la solution. Il est important de mettre des mots pour fixer cette pensée car cela aide à la préciser, à s’en rappeler dans le cas d’une situation similaire.
- Et, sssayer d’appliquer ces solutions si la situation se reproduit
Autres astuces à tester
Pour terminer, je vous propose quelques moyens pour se dégager de pensées sombres, d’un état oppressant passager. Cela fonctionne particulièrement bien pour les émotions telles que : la peur, la colère, la déception, la culpabilité, la honte, la frustration, le mépris, la jalousie ou l’envie, la tristesse
- aller marcher :
C’est tellement évident qu’on n’y pense pas, ou on ne se donne pas la peine de le faire. Et pourtant. Prendre le temps de prendre l’air, de respirer et surtout de pouvoir avoir autre chose dans son champ de vision que ses pensées qui nous asphyxient. - verbaliser ce que l’on ressent à quelqu’un :
Cette pratique a un double avantage. Comme on l’a déjà dit dans cet article, l’émotion provoque une distorsion de la réalité. Dire, à haute voix à travers des mots ce que l’on ressent permet déjà de prendre du recul, de se réancrer dans le présent, de percevoir la rationalité de ce que l’on exprime. Est-ce que ce je dis à un sens ? Ma peur, ma honte… Et enfin, le regard de l’autre, voire son avis, va vous permettre de relativiser votre ressenti.
Et encore un point, se confier crée parfois des liens, une sorte d’intimité entre les personnes. C’est un acte de confiance. - L’auto-suggestion :
C’est la célèbre méthode Coué. Cette méthode fonctionne plutôt chez les personnes qui ont une bonne estime de soi. Elle consiste à prononcer régulièrement une phrase du type “je me réveille ce matin, et je vais de mieux de mieux”, ou “je me sens meilleur”. De manière moins rigoriste, on peut simplement se dire et avoir régulièrement à l’esprit, après l’analyse d’une situation qui nous a semblé embarrassante, que ce n’était en définitive pas si grave. D’ailleurs, personne ne l’a remarqué, etc…
A noter que cette méthode aurait un effet inverse chez les personnes qui ont peu confiance en elle. - Se rappeler des bons moments,
Le processus des émotions jouent un peu comme une programmation d’automatisme, en coupant la personne de la réalité de la situation, ou de se prise de conscience des conséquences de qui se passe.. Elles peuvent être bénéfiques pour les émotions positives, et à l’inverse dégrader une situation.
Alors pourquoi ne pas reprogrammer le négatif en positif. Plus facile à dire qu’à faire ? Le pouvoir des odeurs est extrêmement puissant. Si vous avez une odeur qui rappelle de bons souvenirs, vous pouvez vous en servir en la sentant lors de moments difficiles ou d’événements à forts enjeux.
Il s’agit d’échanger le lien négatif vers quelque chose de positif, le support peut-être une odeur, mais aussi, une musique, le toucher d’une matière, un vers de poésie, un aliment… Comme le doudou des enfants pour les calmer. Ou encore la madeleine de Proust.
En conclusion
Pratiquer. Essayer. Tenter de dépasser ses émotions peu à peu. Il n’y a pas de règle, de méthode définitive. Chacun peut trouver la sienne. Mais pour cela, il faut prendre la décision d’agir, faire le premier pas, essayer. Et regarder ce qui fonctionne. Si ça ne fonctionne essayer autre chose ou le faire différemment.
Merci d’avoir lu cet article, j’espère qu’il vous aura apporté quelque chose !
Pour ma part, mes émotions m’ont joué de bien mauvais tours dans ma vie professionnelle. En particulier, lorsqu’il fallait prendre la parole. Mais à force de pratique, de prise de conscience, de travail (théâtre, improvisation, prises de paroles) et de la réalisation de projets, j’ai commencé à me sentir de plus en plus à l’aise. Rien n’est définitif. J’ai simplement davantage de branches auxquelles je sais que je peux m’accrocher.
Photos : Priscilla Du Preez, Lacie Slezak, Derek Owens, Simon Migaj on Unsplash